En milieu rural, la jeunesse est souvent vue comme une force vive essentielle, capable de donner une seconde vie aux villages désertés. Et pour cause, les défis à relever sont nombreux : revitalisation économique, préservation des ressources naturelles, lutte contre l’isolement social. En Dordogne, comme ailleurs en France, on observe une montée en puissance de l’engagement citoyen chez les jeunes, qu’ils soient natifs de ces territoires ou qu’ils aient choisi de s’y installer.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon le baromètre 2022 de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), 34 % des jeunes de 15 à 30 ans s’impliquent actuellement dans une action de bénévolat ou de volontariat. En milieu rural, cette dynamique prend souvent des formes spécifiques, adaptées aux besoins du territoire et aux opportunités locales.
La préservation de l’environnement est sans conteste l’un des moteurs principaux des engagements citoyens des jeunes ruraux. Réfléchir à des solutions locales face à des problématiques globales, voilà un défi qui les inspire.
À Saint-Léon-sur-Vézère, un groupe de jeunes habitants a relancé, il y a trois ans, une parcelle en friche pour en faire un espace de potager collectif. Au-delà de produire des fruits et légumes biologiques pour les familles du village, ce projet permet de sensibiliser les habitants aux pratiques d’agriculture durable. Chaque samedi, de nombreuses mains se croisent autour des semis, l’occasion d’échanger techniques et bonnes idées.
Plus au sud, dans le Lot-et-Garonne voisin, des jeunes ont initié une campagne de reboisement sur des terres communales abandonnées. Le projet, nommé "Plantons demain", réunit lycéens, élus municipaux et forestiers locaux pour planter des essences adaptées au réchauffement climatique. Une façon concrète de laisser un héritage vivant aux générations futures.
L’art devient aussi un outil puissant pour faire passer les messages écolos. Dans le village de Montignac, une bande de jeunes artistes a monté une exposition éphémère intitulée "De l’eau, de la terre et des branches". Sculptures de bois flotté, installations sonores recréant le bruit des rivières en crue… Le message est clair : face aux bouleversements climatiques, le patrimoine naturel local est un trésor fragile qu’il faut protéger.
Au-delà de l’écologie, l’engagement citoyen en France rurale met souvent l’accent sur le vivre-ensemble et le lien social. Et cette mission, les jeunes s’en saisissent avec enthousiasme.
Les cafés associatifs sont devenus emblématiques du renouveau des petites communes. À Thenon, une ancienne salle communale transformée par un groupe de volontaires locaux fait figure d’exemple. Rebaptisé "Le Café Vagabond", cet espace accueille des soirées jeux, des ateliers de cuisine intergénérationnels et même des cours de langue. On y croise des visages jeunes et moins jeunes, des conversations enflammées qui prouvent que même dans un hameau, la vie peut être effervescente.
En Dordogne, la mobilité est un frein pour beaucoup d’habitants. Conscients de cette problématique, des jeunes ont lancé à Terrasson une plateforme de covoiturage dédiée aux zones rurales. Plus qu’un simple outil pratique, cette initiative crée du lien entre les générations : une retraitée à la recherche d’un covoiturage pour son marché hebdomadaire devient l’occasion pour une étudiante de partager des récits de la région.
L’engagement des jeunes passe aussi par une revalorisation des savoir-faire locaux, parfois en voie de disparition. Dans la Vallée de la Vézère, plusieurs ateliers s’organisent autour des métiers d’autrefois.
Dans l’atelier d’un céramiste de Fanlac, des adolescents s’initient aux gestes artisanaux pour créer des poteries, sous l’œil attentif de l’artisan. Ces journées ne se limitent pas au travail de la terre : elles deviennent un lieu d’échange où se mêlent histoires locales et transmission des techniques.
Ce goût pour le patrimoine ne signifie pas pour autant un rejet de la modernité. Bien au contraire. Des jeunes start-upers de la région développent aujourd’hui des solutions technologiques en lien avec la ruralité : cartographies interactives des sentiers de randonnée, valorisation numérique des musées locaux ou produits gastronomiques mis en avant sur des plateformes en ligne.
Malgré cette effervescence, tous les rêves ne se réalisent pas sans heurts. Les jeunes engagés en milieu rural se heurtent parfois à un manque de financements, à des démarches administratives complexes ou encore à une certaine méfiance de la part des anciens. Pourtant, ces freins n’atténuent pas leur motivation.
De nombreux dispositifs d’accompagnement existent et commencent à répondre à leurs besoins. Le programme "Service Civique Rural" ou encore les projets financés par l’Agence nationale des territoires (ANCT) encouragent et soutiennent les initiatives locales.
Loin des stéréotypes d’un monde rural endormi, les jeunes servent aujourd’hui de souffle vivant au renouveau des zones rurales. En s’investissant dans des projets citoyens, ils montrent que ces territoires, souvent perçus comme en déclin, recèlent un potentiel immense pour le futur. Que ce soit par le lien social, l’écologie ou le patrimoine, cette génération réinvente la manière d’habiter ces lieux, en restant en harmonie avec tout ce qu’ils ont à offrir.
Et si ces jeunes nous montraient la voie pour réconcilier passé, présent et avenir ?