Un besoin social et environnemental croissant

Les jardins partagés naissent du croisement de plusieurs aspirations contemporaines. Avec la montée en flèche des préoccupations écologiques et la recherche d’une alimentation saine et locale, les citoyens s’organisent pour cultiver du lien autant que des légumes. La Dordogne ne fait pas exception : au cœur de ses villages, le besoin de recréer du collectif se conjugue souvent à la valorisation de friches inexploitées ou de terrains communaux.

L’exemple de Savignac-les-Églises illustre bien cette tendance. En 2021, un groupe de voisins a sollicité le soutien de la municipalité pour transformer un ancien terrain vague en jardin partagé. L'objectif ? Permettre à tous, notamment aux familles sans terrain potager, de planter et récolter leurs propres produits.

Outre ce besoin local de se reconnecter avec la terre, les jardins partagés répondent aussi à des enjeux d’ordre écologique : réduction des déchets verts grâce au compostage collectif, maintien de la biodiversité, ou encore résilience alimentaire en cas de crise. Ces espaces deviennent des vecteurs de sensibilisation et d’expérimentation en agroécologie à petite échelle.

Les étapes de la création d’un jardin partagé en milieu rural

1. Amorcer un projet collectif

Le point de départ est souvent une poignée de citoyens animés par un même désir : cultiver ensemble. L’idée peut émerger lors d’une réunion de quartier, d’un conseil municipal ou d’une assemblée d’une association locale.

Une anecdote intéressante nous vient de Fleurac, un petit village niché au cœur de la vallée. En 2019, c’est à la suite d’une fête des voisins qu’une première discussion informelle a eu lieu. Quelques mois plus tard, le futur jardin s’organisait déjà sur un terrain communal délaissé ! Les habitants ont commencé par poser des questions pragmatiques : où trouver un terrain ? Quel modèle d’organisation choisir ?

2. Trouver un terrain et le financer

Les terrains appartiennent souvent aux communes, mais il arrive qu’un agriculteur ou un particulier mette une parcelle à disposition. En Dordogne, la taille des jardins partagés varie entre 500 m² et plus de 2000 m² selon la disponibilité foncière.

Pour financer les aménagements - clôtures, outils, cabanons -, de nombreuses initiatives s’appuient sur des subventions de la région Nouvelle-Aquitaine, les aides des parcs naturels régionaux ou des campagnes de financement participatif. Par exemple, à Champagnac-de-Belair, une cagnotte citoyenne sur internet a permis de récolter 2500 euros pour installer des bacs de culture hors-sol, adaptés aux personnes à mobilité réduite.

3. Élaborer des règles et sensibiliser

Une fois le projet lancé, il est essentiel d’instaurer des règles de fonctionnement claires : qui entretient quoi ? Comment partager équitablement les récoltes ? Au jardin partagé de Montignac-Lascaux, un tableau affiché à l’entrée du site permet aux utilisateurs de noter leurs heures de bénévolat et de coordonner les actions (semis, récolte, arrosage). Des ateliers réguliers y sont également organisés pour initier aux techniques de permaculture.

En outre, sensibiliser les habitants – y compris les scolaires – est souvent clé pour assurer la pérennité du projet. Les écoles de Dordogne, comme celle de Thenon, utilisent souvent les jardins partagés comme support pédagogique pour parler d’écologie et de cycles naturels.

Quels modèles d’organisation pour un espace partagé ?

Les jardins partagés adoptent des formes variées, reflétant la diversité des communautés rurales. Voici les modèles les plus répandus :

  • Le modèle associatif : Très courant, il repose sur une association locale qui gère et anime l’espace avec une charte précise. Exemple : le jardin La Main Verte à Terrasson-Lavilledieu.
  • Le modèle communal : Certains jardins sont directement administrés par la mairie, notamment lorsqu’il y a une volonté de renforcer les services publics ruraux.
  • Le modèle en libre accès : Plus rare, mais étonnant. À Saint-Léon-sur-Vézère, les habitants peuvent se servir librement des fruits et légumes mûrs directement sur place, sans réelle organisation !

Les défis à surmonter pour un projet durable

Bien que riches d’opportunités, les jardins partagés en Dordogne rencontrent aussi des obstacles. Parmi les principaux défis :

  1. Le manque d’engagement sur le long terme : Une fois l’enthousiasme des premières récoltes passé, il arrive que certains jardiniers abandonnent leurs parcelles, créant des zones laissées à l’abandon.
  2. La gestion de l’eau : Dans un département touché par des périodes de sécheresse estivale, les limites d’irrigation et l’installation de récupérateurs d’eau sont des préoccupations constantes.
  3. La cohabitation : Bien que rares, des tensions peuvent survenir, souvent liées à l’appropriation des récoltes ou à des visions différentes de l’entretien du site.

Jardins partagés : bien plus que des légumes

Au-delà des fruits et légumes, les jardins partagés jouent un rôle essentiel dans le tissage de liens au sein des villages ruraux. Ils sont des lieux d’échange de savoirs, de convivialité et d’ouverture à l’autre. Prenons l’exemple d’Eymet, où une bibliothèque collaborative a été ajoutée à la cabane du jardin. Les jardiniers empruntent des livres tout en venant arroser leurs plantes, faisant de cet espace un point de rencontre unique.

Ces jardins participent au renouveau de la vie locale, en recréant des solidarités perdues et en réaffirmant la valeur d’une action collective. Ils rappellent combien, en Dordogne, la terre sait récompenser ceux qui la respectent - mais aussi combien la nature peut être le creuset d’une vie humaine plus harmonieuse.

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