Une géographie de caractères : où commence la vallée, où finit-elle ?

D’une source modeste sur le plateau du Massif central corrézien à Limeuil, où elle s’offre à la Dordogne, la Vézère dessine près de 211 kilomètres d’appels au voyage (Wikipédia). Mais c’est entre Terrasson-Lavilledieu et Limeuil que le fleuve déploie, à travers falaises, méandres boisés et plateaux dorés, la palette la plus singulière de bourgs à explorer. La plupart sont adossés à la rivière, d’autres veillent depuis un promontoire ou s’effacent dans l’ombre d’une église romane.

L’incontournable Les Eyzies : berceau de la préhistoire et village de passionnés

Impossible d’évoquer la vallée sans commencer par Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, “capitale mondiale de la préhistoire”. Avec ses maisons troglodytiques, ses balcons sculptés dans la falaise et la silhouette de Cro-Magnon veillant sur la gare, le village dévoile une identité unique. On y chemine entre le Musée national de Préhistoire, les sites de Font-de-Gaume ou de Combarelles, et le bourg lui-même, où cafés et petits commerces vivent au rythme des archéologues et des visiteurs de passage.

  • Nombre d’habitants : environ 850 (INSEE 2021)
  • Anecdote : Le nom “Eyzies” vient d’“eyzias”, qui signifie “eau” et “source” en occitan, rappelant que le village s’est bâti autour des fontaines.

Saint-Léon-sur-Vézère : la douceur d’un village classé

Saint-Léon-sur-Vézère est reconnu parmi “Les Plus Beaux Villages de France” depuis 1982. Niché dans une boucle de la rivière, il séduit par l’élégance de son église romane du XIIe siècle (un joyau du patrimoine périgourdin, classé Monument historique dès 1905 Ministère de la Culture), la fraîcheur de ses jardins débordant sur l’eau, la vue depuis le vieux pont médiéval et son château Renaissance entouré de verdure.

  • Nombre d’habitants : autour de 400 (INSEE 2021)
  • Anecdote : Chaque été, le festival de musique de Saint-Léon attire des artistes internationaux dans le décor intimiste de l’église, transformant le village en scène à ciel ouvert (Festival Musiques en Périgord).

Montignac-Lascaux : art pariétal et scènes actuelles

Montignac est connue dans le monde entier pour le site de Lascaux, mais la ville mérite aussi le détour pour ses quartiers anciens, ses maisons à pans de bois colorés, son marché vivant le mercredi, et les rives poétiques de la Vézère. Ne pas manquer la rue de la Peyrolerie, avec ses points de vue sur les ponts et son histoire commerçante, et la halle du marché, car Montignac fut longtemps un lieu d’échanges entre quercynois et périgourdins.

  • Population : environ 2 950 habitants (INSEE 2021)
  • Fait marquant : Lascaux, découverte en 1940 par quatre adolescents, généra une telle affluence que la grotte originale dut fermer dès 1963 pour préserver ses œuvres. Aujourd’hui, Lascaux IV (Centre International d’Art Pariétal) accueille plus de 400 000 visiteurs par an (lascaux.fr).

Limeuil : confluence et panorama

Au confluent de la Vézère et de la Dordogne, Limeuil s’épanouit sur un promontoire coiffé d’un jardin panoramique. Outre le plaisir d’arpenter les ruelles en pente, bordées d’anciennes échoppes et de maisons fleuries, Limeuil offre l’une des plus belles vues du Périgord noir, face à la mosaïque des deux vallées. Village labellisé “Plus Beaux Villages de France”, il séduit aussi par sa plage fluviale et ses chantiers médiévaux, régulièrement organisés avec les habitants.

  • Population : environ 320 habitants (INSEE 2021)
  • Petite histoire : Le port de Limeuil fut, au XIXe siècle, un hub important pour le transport du bois de châtaignier, tirant profit du courant pour acheminer jusqu’à Bordeaux les pieux utilisés dans les vignes de la région (Dordogne Périgord Tourisme).

Sergeac, Fanlac, La Roque-Saint-Christophe… : haltes confidentielles et trésors cachés

Fanlac

Fanlac, village minuscule et plein de charme, fut rendu célèbre par Eugène Le Roy, l’auteur de “Jacquou le Croquant”. Les toits de lauze, les vieilles maisons, la quiétude du cimetière et l’étrange monument du sabotier au centre du bourg composent un tableau pastoral. On dit que chaque été, des lecteurs viennent se recueillir sur la tombe de l’écrivain, à quelques mètres de l’église. La légende locale veut que Le Roy se soit inspiré de ses rencontres au café du village pour façonner ses personnages.

  • Population : moins de 200 habitants
  • À voir : l’ancienne école communale, aujourd’hui petit musée dédié au roman “Jacquou le Croquant”.

Sergeac

Sergeac s’accroche discrètement le long de la Vézère. Moins connu, ce village offre pourtant un accès à deux sites majeurs classés au patrimoine mondial de l’UNESCO : le gisement préhistorique de Castel-Merle et l’abri du Moulin. Peu de lieux concentrent autant de vestiges du magdalénien sur quelques centaines de mètres, et les passionnés croisent volontiers des archéologues en bottes dans les rangées de noyers.

  • Population : environ 170 habitants
  • Astuce : les visites privées avec des guides-archéologues locaux (infos sur castel-merle.com)

La Roque-Saint-Christophe

Ce n’est pas un village, mais un site troglodytique long d’un kilomètre, accroché à une falaise surplombant la rivière. Jadis forteresse naturelle, habitat troglodytique puis poste de guet, la Roque-Saint-Christophe étonne par sa succession de terrasses creusées dans la roche et par l’impression de verticalité quasi vertigineuse. En empruntant les passerelles, on découvre les vestiges de salles communes, boulangeries, chapelles et même d’anciens treuils inventés pour ravitailler les habitants lors des sièges médiévaux (roque-st-christophe.com).

D’autres bourgs à découvrir : Terrasson-Lavilledieu, Le Bugue, Saint-Amand-de-Coly

  • Terrasson-Lavilledieu : Porte d’entrée nord de la vallée, Terrasson offre une double identité : les ruelles du vieux bourg surplombant la Vézère, et la ville plus commerçante descendant vers les berges. Un coup d’œil s’impose au Pont Vieux (XIIe siècle), à l’abbatiale Saint-Sour et aux Jardins de l’Imaginaire (13 jardins remarquables, 6 hectares, reconnus “Jardin remarquable” par le Ministère de la Culture).
  • Le Bugue : Cœur commercial de la vallée dès l’époque médiévale, Le Bugue est réputé pour son marché du mardi (l’un des plus anciens du Périgord, attesté depuis 1319) et pour son ancien Moulat, moulin à farine du XIXe siècle restauré. L’aquarium du Périgord noir, l’un des plus grands aquariums privés d’eau douce en Europe, attire plus de 150 000 visiteurs chaque année (aquariumperigordnoir.com).
  • Saint-Amand-de-Coly : Petite perle blottie au creux d’une vallée latérale, classée “Plus Beaux Villages de France”. L’abbatiale fortifiée (XIIe siècle) offre un exemple saisissant d’architecture romane défensive, et le village se distingue par ses toitures de lauze et ses sentiers de randonnée entre noyers et forêts de chênes (saint-amand-de-coly.fr).

Des visites à la carte : suggestions de circuits pour explorer la vallée

Selon la saison et le temps dont vous disposez, la vallée de la Vézère se parcourt à pied, à vélo, en canoë, ou même en voiture en suivant la “Route des hommes” balisée de panneaux bruns (D706, D66…). Voici quelques idées pour profiter de flâneries à son rythme :

  • En une journée : Montignac et Lascaux le matin (privilégier la réservation à l’avance), passage à Saint-Léon pour la pause déjeuner, halte aux Eyzies, retour via la Roque-Saint-Christophe.
  • En deux ou trois jours : Itinéraire complet de Terrasson à Limeuil, avec nuitée possible chez l’habitant à Sergeac ou Fanlac pour l’ambiance villageoise.
  • Pour les familles : Le Bugue (aquarium, village du Bournat), pique-nique sur les berges de la Vézère à Saint-Léon, promenade ombragée jusqu’aux abris préhistoriques.
  • Pour les amoureux d’histoire : circuit “Villages et châteaux”, incluant Saint-Amand, Fanlac et passage par Castel-Merle.
  • Coup de cœur en canoë : De Montignac à Les Eyzies, navigation douce au fil de l’eau, souvent récompensée par l’observation d’oiseaux rares (milans noirs, aigrettes…).

Des lieux vivants : traditions, fêtes et marchés en vallée de la Vézère

Ce qui distingue les bourgs et villages de la vallée, au-delà des pierres, ce sont leurs rendez-vous annuels et la vitalité de leurs marchés. On citera notamment :

  • La fête de la noix à Nailhac (à quelques kilomètres de la Vézère, en limite nord) attire chaque année, fin octobre, plus de 5 000 gourmands (source : Sud Ouest), curieux des recettes ancestrales ou des produits de la “noix Grand Cru”.
  • Le marché d’été aux Eyzies, tous les vendredis de juillet et août, sous les arcades et les platanes, est l’un des plus pittoresques de la vallée.
  • La fête médiévale de Limeuil, organisée tous les deux ans, transforme le village en scène de reconstitutions historiques, avec ateliers de potiers, combats et banquets à l’ancienne.
  • Joutes nautiques et course de gabares au Bugue ou à Limeuil, pour renouer avec la tradition fluviale omniprésente jusqu’au XXe siècle.

Un patrimoine vivant, des villages à préserver

La vallée de la Vézère ne se limite pas à un inventaire figé de “plus beaux villages” ; elle vit, vibre, se transforme. Les écoles rurales, les initiatives associatives (comme les cafés associatifs à Fanlac ou les circuits courts alimentaires à Montignac), les efforts pour restaurer la lauze ou transmettre le parler occitan, prouvent que l’identité locale n’est pas une image figée, mais bien une promesse renouvelée à chaque génération.

Explorer la Vézère aujourd’hui, c’est partager la simplicité d’un marché, interroger le souvenir d’un monument, pousser la porte d’un café de village, et devenir, ne serait-ce qu’un instant, habitant parmi les habitants. Les villages de la vallée ne se livrent pas tout d’un bloc : il faut prendre le temps d’écouter, de regarder, de s’attarder un soir d’été à la terrasse d’une auberge ou au bord de la rivière.

Entre escarpements, abris-sous-roche, églises millénaires et chemins creux, la Vézère perpétue l’art de la rencontre et de la découverte. Les “plus beaux villages”, ici, sont aussi les plus vivants : ils attendent simplement que vous leur prêtiez attention, sur le fil de la rivière, d’une saison à l’autre.

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